Le Parlement, réuni en Congrès, a voté la constitutionnalisation de l’IVG

Le Parlement, réuni en Congrès, a voté la constitutionnalisation de l’IVG

Source : service photographique de Matignon

L’état du droit en France

L’interruption volontaire de grossesse (IVG) a été légalisée par la loi du 17 janvier 1975, dite «Loi Veil ». Cette loi autorisait deux cas d’application d’une IVG : une intervention avant la 10ème semaine de grossesse ; pour des raisons médicales, tout au long de la grossesse. Des dispositions pénales sanctionnent à la fois le non-respect des conditions de son exercice, ainsi que l’entrave à sa pratique. Le cadre contraignant posée par la loi Veil a été modifié au cours des dernières années. L’accès à l’IVG n’a cessé d’être renforcé depuis :
– La loi dite « Roudy » du 31 décembre 1982 : la pratique de l’IVG a été inclue dans les pratiques médicales remboursées par la sécurité sociale ;
– La loi du 27 janvier 1993 portant diverses mesures d’ordre social : création d’un délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse et suppression de la pénalisation de l’auto-avortement (ce délit a également été étendu par la loi du 20 mars 2017 relative à l’extension du délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse, afin de sanctionner les discours hostiles sur internet) ; 
– La loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes : l’IVG n’est désormais plus restreinte aux grossesses plaçant les femmes dans une situation de détresse ; 
– La loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé : l’obligation d’un délai de réflexion de 7 jours entre la consultation d’information et la consultation de recueil du consentement, est supprimée ; 
– La loi du 2 mars 2022 visant à renforcer le droit à l’avortement : allongement du délai légal de l’IVG à 14 semaines, possibilité de réaliser l’IVG médicamenteuse en téléconsultation.

Sur le plan pénal, l’IVG est considérée comme une infraction délictuelle pour le professionnel de santé qui la pratique au-delà du délai prescrit par la loi (14 semaines) ou sans le consentement de l’intéressée (passible de cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende – articles 223-10 du code pénal et L. 2222-1 du code de la santé publique).
Bien que le Conseil constitutionnel ait rattaché ce droit à « la liberté de la femme qui découle de l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen », celui-ci n’a jamais conféré de valeur constitutionnelle à l’IVG. Il ne s’est par ailleurs jamais prononcé sur un seuil de gestation au-delà duquel la protection de la vie humaine interdirait l’IVG.

Le revirement jurisprudentiel de la Cour Supreme des Etats Unis d’Amérique

L’appréciation française et occidentale s’est toujours montrée très attachée à la garantie accordée à l’IVG. La nécessité d’une inscription de la liberté de recourir à l’IVG dans la Constitution s’est cependant précisée à la suite d’un revirement jurisprudentiel de la Cour suprême des Etats-Unis. Dans un arrêt Dobbs v. Jackson du 24 juin 2022, la Cour suprême a procédé à un revirement important en annulant la jurisprudence Roe v. Wade du 22 janvier 1973 qui faisait de l’IVG un droit garanti à l’échelle fédérale sous le contrôle de la Cour suprême. Ce revirement jurisprudentiel n’a pas interdit le recours à l’IVG. Il laisse simplement toute latitude aux États fédérés d’autoriser ou non cette pratique sur leur territoire. Ce faisant, près de quatorze des cinquante États fédérés l’ont interdit de manière absolue ou fortement restreint.

Au sein de l’Union européenne, ce droit est reconnu dans la majorité des États membres : vingt-cinq l’autorisant sans conditions, la Pologne (autorisé en de cas de viol ou de danger pour la vie de la mère) et Malte (uniquement si la vie de la mère est en danger et que le fœtus n’est pas viable) le restreignant fortement. Dans le reste du monde, la situation est davantage contrastée.

Le choix de la France

En France, ce droit est consacré par une loi ordinaire. De la même manière, il serait tout à fait possible de revenir sur ce droit par le vote d’une autre loi ordinaire. Afin de protéger ce droit, la nouvelle loi constitutionnelle garantit le recours à l’IVG en l’inscrivant dans la Constitution tout en renvoyant au domaine législatif les modalités de son exercice.

Au total, ce sont six propositions de loi qui ont été déposées sur le même sujet entre fin juin et début septembre 2022 sur les bureaux des deux assemblées. C’est cependant le projet de révision constitutionnelle du Gouvernement qui a réuni un consensus plus large et qui a été voté lors d’une réunion du Congrès à Versailles le 4 mars 2024.

Ainsi, cette loi constitutionnelle a modifié l’article 34 de la Constitution pour y prévoir que la loi détermine « les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse ».

Retrouvez le discours du Premier ministre devant le Congrès en cliquant sur le lien suivant : https://www.gouvernement.fr/actualite/ivg-dans-la-constitution

Sandra Marsaud

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