Le 4 décembre dernier, les députés de l’opposition à l’Assemblée nationale ont adopté une motion de censure qui, conformément à la Constitution, a conduit à la démission du Premier ministre, dès le lendemain.
La censure a, de facto, interrompu l’examen des Projets de Loi de Finances pour 2025. La France se retrouve alors sans budget adopté pour l’année 2025, une situation inédite qui impacte directement nos services publics, nos entreprises, nos collectivités…
Une loi spéciale, votée en urgence, limitée dans ses effets
Dans ce contexte, le gouvernement en affaires courantes n’a eu d’autre choix que de proposer une loi spéciale d’urgence pour éviter une paralysie de l’État et de nos services publics. Cette loi, encadrée par une jurisprudence stricte du Conseil d’État, n’autorise que le financement minimal nécessaire au fonctionnement des services publics, contrairement à ce que prétendent les partis d’opposition. Elle ne peut ni reconduire certaines mesures fiscales essentielles arrivant à échéance, ni financer de nouveaux projets ou investissements, de l’Etat ou des collectivités.
Ainsi, plusieurs dispositifs majeurs qui soutenaient nos citoyens, nos entreprises et nos territoires risquent disparaître dès le 31 décembre :
Pour la filière agricole, les exploitants perdraient deux outils cruciaux : le crédit d’impôt pour remplacement en cas de congé et celui dédié aux exploitations certifiées Haute Valeur Environnementale (HVE). Cela fragilisera un secteur pourtant en première ligne face aux défis climatiques et économiques.
Pour nos entreprises industrielles, notamment les plus électro-intensives, la fin du bouclier tarifaire entraînerait une hausse brutale des factures d’électricité, menaçant leur compétitivité.
Dans le textile et le “Made in France”, l’arrêt du crédit d’impôt collection (CIC) affecterait directement les industries qui investissent dans la création et l’innovation.
Pour les PME innovantes, la suppression du crédit d’impôt innovation (CII) serait un coup dur pour celles qui conçoivent des prototypes et des produits nouveaux, réduisant leur capacité à innover et à créer des emplois.
Dans les territoires urbains, la fin des exonérations fiscales pour les entreprises installées dans les zones franches urbaines (ZFU) et les quartiers prioritaires de la ville (QPV) risque d’aggraver les inégalités territoriales et sociales.
Pour les particuliers et les familles, des dispositifs sociaux et fiscaux comme Loc’Avantages, qui favorise la location à loyers modérés, ou l’exonération fiscale des pourboires des serveurs, prendraient fin. Ces suppressions auraient un impact direct sur le pouvoir d’achat des ménages.
Des investissements gelés dans les territoires
La loi spéciale d’urgence interdit également toute dépense « discrétionnaire » : très concrètement, jusqu’à l’adoption d’un nouveau budget pour l’année 2025, toutes les nouvelles dépenses d’investissement sont gelées car elles ne sont pas considérées comme des dépenses indispensables :
Les communes ne bénéficieraient plus de dotations comme la DSIL (Dotation de Soutien à l’Investissement Local), la DETR (Dotation d’Équipement des Territoires Ruraux) ou le Fonds Vert, indispensables pour financer des projets structurants.
Les territoires les plus vulnérables, qui attendaient une hausse de la DSU (Dotation de Solidarité Urbaine) et de la DSR (Dotation de Solidarité Rurale), ne verraient aucune augmentation de leurs moyens.
Les dispositifs de soutien au logement, tels que l’extension du Prêt à Taux Zéro (PTZ), ou à la revitalisation rurale, comme les avantages fiscaux en Zones de Revitalisation Rurale (ZRR), seront suspendus.
Et maintenant ?
A date de la rédaction de cet article, 2 solutions se présentent à nous. D’une part, le plus rapidement possible, reprendre le budget là où il a été interrompu et le retravailler, dans une « 2e lecture » entre Assemblée et Sénat ; d’autre part, tout reprendre à zéro, avec le risque de ne pas voter à temps pour notamment les investissements des collectivités, des entreprises et des ménages si en mars il n’était toujours pas voté.
Le vote de la motion de censure par une coalition hétéroclite de députés, unis uniquement par leur volonté de bloquer l’action gouvernementale, n’a pas tenu compte des conséquences de cette impasse budgétaire sur la vie quotidienne des français.
Alors que la France fait face à des défis économiques, climatiques et sociaux de grande ampleur, nous avons besoin de stabilité et de responsabilité. Nous, élus, devons choisir le dialogue et le compromis plutôt que l’affrontement systématique.