Loi climat et résilience

Loi climat et résilience

Mon action lors de la 1ere lecture à l’Assemblée nationale

Dans le projet de Loi Climat & Résilience, la lutte contre l’artificialisation des sols représente un chapitre à part entière et une dizaine d’articles sur les 75 que comporte le texte. Dès l’été 2019, j’ai participé aux travaux d’un groupe de travail interministériel sur la sobriété foncière qui ont, en quelque sorte, préfiguré la rédaction du texte sur ce volet de la lutte contre l’étalement urbain. Urbaniste de formation et impliquée depuis le début du mandat sur les questions d’aménagement du territoire, c’est donc naturellement que j’ai souhaité m’emparer de ces questions lors de l’examen du texte, en commission spéciale puis en séance dans l’hémicycle. A ce titre j’ai déposé plusieurs dizaines d’amendements sur des thématiques bien précises qui me semblaient participer à rendre le texte plus opérationnel.

La lutte contre l’artificialisation des sols : un enjeu majeur pour notre pays

D’après le rapport de France Stratégie (juillet 2019), la France consomme près de 47km2 d’espaces pour 100 000 habitants chaque année. Elle est, à ce titre, 1,5 à 2 fois moins vertueuse que ses voisins allemands, britanniques, italiens ou encore espagnols. L’habitat est à l’origine de 40% de l’artificialisation des sols. 30% sont imputés au développement économique et commercial. Selon un sondage Opinion Way de janvier 2021, 86% des Français en font une priorité d’action pour les pouvoirs publics.

Cependant, compte tenu de la portée sur les territoires des mesures d’interdiction stricte de consommation des sols en matière de développement urbain, le texte instaure un premier objectif palier de réduction de 50% de la consommation d’espaces sur les dix prochaines années par rapport aux dix dernières afin de rester ambitieux et pragmatique. De même, et dans le prolongement de l’abandon du projet dit « Europa City », le texte propose d’interdire l’installation de grands complexes commerciaux de plus de 10 000 m2 à l’extérieur des villes en laissant pour les autres l’opportunité de s’implanter lorsque la situation locale le justifie. Enfin, il intègre la notion de réversibilité des bâtiments et des projets d’aménagement afin d’anticiper les changements d’usage et ainsi limiter le coût écologique des futures constructions.

Un sujet aux réalités hétérogènes et complexe sur le plan opérationnel

Chaque année, la France gagne environ 0,2 % d’habitants (INSEE). Si certains territoires sont plus dynamiques que d’autres, la problématique du « desserrement » des ménages impacte néanmoins l’ensemble de la société et contribue à accroître partout la demande de logement. Il apparaît ainsi que les objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols proposés à l’échelle des SRADDET (article 49) réduisant de moitié la consommation foncière, pose la question de la traduction dans les documents d’urbanisme.  Cela présente un risque d’opposer les territoires entre eux et en particulier ceux en dynamique démographique et/ou économique d’une part, et d’autres en quête de cette dynamique. Par ailleurs, pour limiter l’artificialisation des sols, le texte propose de subordonner l’ouverture à urbanisation des sols par les communes ou les EPCI à la mobilisation du foncier existant et notamment des friches. La mobilisation du foncier existant et déjà urbanisé apparait alors comme une solution évidente. Cependant l’ingénierie qu’elle nécessite, son coût de départ mais aussi sa répartition inégale, engendre des situations très différentes selon les territoires. Les actions de démolition, de dépollution ou de reconstruction sont souvent très coûteuses. Or, comme le stipule le rapport de la mission d’information de l’assemblée nationale sur la requalification des friches, « c’est le marché immobilier qui fait la rentabilité des opérations ». Les prix pouvant varier de 1 000 à 20 000 euros du m2, là aussi la France est très disparate.

Ma vision :
accompagner, responsabiliser et rendre le texte plus opérationnel

  • Ne pas s’en tenir à une approche par l’interdit

Je me suis engagée pour que ce texte ne se cantonne pas à une approche par l’interdit qui est, selon moi, anxiogène alors qu’il faut au contraire « embarquer » tout le monde de l’aménagement. La lutte contre l’artificialisation des sols rebat les cartes de l’aménagement du territoire en contraignant fortement l’urbanisation. C’est un sujet de société. Or, cette notion nouvelle de l’artificialisation des sols est d’autant plus mal comprise qu’il est encore trop tôt pour que nous puissions pouvoir nous appuyer sur une définition stable et partagée et sur une classification opérationnelle et non théorique. Dans un 1e temps, il nous est apparu plus réaliste de nous baser sur une notion déjà largement utilisé en urbanisme : la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers.

  • Valoriser le travail déjà réalisé de planification et développer ces outils

On ne découvre pas, avec ce texte, le principe de sobriété et de planification foncières en 2021. Beaucoup de territoires avaient déjà engagés des démarches particulièrement vertueuses. Nous devions donc tenir compte de l’existant et ne pas faire fi du travail fait avec les SRADDET, les SCOT, PLU et PLUi. 74 % des SCOT ont déjà fixé des objectifs de réduction du foncier supérieur à 35 %, 58 % des SCOT ont fixé des objectifs de réduction du foncier supérieur à 50 %, 37 % des SCOT ont fixé déjà une réduction de +50 % d’ici à 2030 et 63 % ont fixé cette baisse de 50 % avec un objectif de temps compris entre 2031 et 2040. Entre les aspirations portées par la convention citoyenne pour le climat et ce que défendent les élus des territoires, il y avait moyen de nous accorder sur les bonnes pratiques en matière de planification et d’objectif de lutte contre l’artificialisation des sols.

  • Intégrer les besoins stratégiques en matière de développement économique qui participe à l’aménagement durable et équilibré des territoires  

L’artificialisation des sols doit se faire en prenant en compte le développement ou le maintien d’activités économiques locales stratégiques. En effet, de nombreux départements reposent sur un ou deux secteurs économiques clefs, très souvent dynamiques et créateurs d’emplois et de ressources. La lutte contre l’artificialisation des sols ne doit pas contraindre le développement nécessaire de ces secteurs jugés stratégiques à l’échelle départementale et qui font face à des contraintes foncières évidentes.

  • Reconquérir l’existant (bâti, logement vacants, friches urbaines, démarche « Bimby »)

Ce projet de loi devait être une occasion pour les territoires, les élus et les opérateurs de s’emparer de cette nouvelle culture de l’aménagement. C’est pourquoi il me semblait indispensable que ce texte puisse aussi permettre de lever des freins et de mobiliser de nouveaux outils pour faciliter le recyclage foncier notamment dans les territoires où le modèle économique est plus difficile à trouver. L’essentiel restait de pouvoir avancer ensemble en accompagnant au changement les élus et les opérateurs pour aller vers un modèle d’aménagement plus sobre, l’aménagement « circulaire ».

  • Répartir de manière équilibrée et cohérente, entre territoires, l’effort d’artificialisation

L’intégration de l’objectif de réduction de l’artificialisation par deux sur les 10 prochaines années par rapport aux dix dernières doit s’opérer dans une logique d’aménagement du territoire cohérente et concertée. Il me semblait que les Régions, chef de file en matière d’aménagement du territoire, devaient s’engager à enclencher une territorialisation des efforts en matière de lutte contre l’artificialisation des sols. Pour rester dans une économie de moyens pour les collectivités, j’ai proposé qu’elles s’appuient sur un organe de concertation existant : les Conférences Territoriales de l’Action Publique (CTAP). Les dysfonctionnements connus de ces organes, m’ont incitée à proposer quelques ajustements pour que le format soit plus opérationnel et que les acteurs les plus impliqués dans l’aménagement puissent être invités au tour de table.

  • Développer l’ingénierie sur les territoires / Partager les bonnes pratiques 

Au-delà de la loi, nous devons faciliter la mise en réseau des élus. La sobriété foncière est déjà expérimentée dans de nombreux territoires. Plutôt que de donner le sentiment de punir les uns ou les autres, il faut partager les bonnes pratiques et montrer que l’aménagement circulaire dans les petites villes et les territoires ruraux, c’est possible.

  • Planifier l’installation des centres logistiques pour un développement raisonné

Face au désir de certains de promouvoir une société de la décroissance, j’ai souhaité rappeler l’importance selon moi de maintenir un développement économique raisonné et adapté aux réalités des modes de consommation actuels. Responsables de moins d’1% de l’artificialisation des sols en France, je ne voulais pas que les centres logistiques deviennent une cible démagogique, ce qui aurait inévitablement conduit à les voir s’installer aux frontières de notre pays déversant sur nos routes des milliers de poids lourds chaque année pour livrer nos commandes internet. 


Le texte voté en première lecture

Sandra Marsaud

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