Accompagné du ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, du ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire ainsi que du ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, le Premier ministre a tenu ce jeudi 1er février 2024 une conférence de presse consacrée à la crise agricole.
Il a rappelé que les réponses apportées ont été construites selon une méthode basée sur trois principes :
– La réactivité, en recevant dès les premiers jours du mouvement l’ensemble des organisations représentatives ;
– Le dialogue, par le dialogue continu avec les organisations agricoles sur le terrain et à Matignon ;
– La transparence, avec une méthode claire et des mesures concrètes pour améliorer le quotidien des agriculteurs annoncés par le Premier ministre vendredi 26 janvier en Haute-Garonne, la semaine dernière lors de la déclaration de politique générale et le 1er février en conférence de presse.
Les annonces faites marquent une nouvelle étape avec deux mots d’ordre : produire et protéger notre agriculture.
Ce travail de concertation répond aux objectifs suivants :
– Mieux reconnaître le métier d’agriculteur avec la reconnaissance de l’objectif de souveraineté alimentaire, en les protégeant contre les recours abusifs par exemple dans le cadre des troubles du voisinage.
– Redonner de la valeur à notre alimentation, en ayant une législation claire au niveau européen, en promouvant l’étiquetage de l’origine des produits et en accélérant sur le respect des objectifs EGAlim dans la restauration collective.
– Redonner du revenu aux agriculteurs avec le renforcement d’EGAlim, notamment en protégeant nos agriculteurs face aux centrales d’achat européennes, avec la mise en place d’un soutien pour le secteur de l’élevage bovin de 150 millions d’euros en soutien fiscal et social.
– Protéger contre la concurrence déloyale, en s’opposant à l’accord de l’UE avec le MERCOSUR, en mettant en place des mesures miroirs et des clauses de sauvegarde très claires.
– Simplifier la vie quotidienne des agriculteurs en accélérant sur le projet de simplification, avec l’appui des préfets. En accélérant et soutenant le plan eau avec des mesures de simplification drastique et en supprimant un niveau de juridiction pour aller plus vite.
– Lutter contre les surtranspositions, en articulant davantage le calendrier européen et le calendrier français pour ne pas faire de surtransposition sur les différentes substances (pas d’interdiction sans solution et avec une mise en pause du plan écophyto jusqu’au Salon de l’agriculture).
– Assurer l’avenir, en assurant la transmission avec des mesures fiscales facilitatrices pour permettre de reprendre les exploitations et avec la mise en place du Pacte pour le renouvellement des générations.
– Préserver notre souveraineté face au changement climatique, avec la mise en place d’une aide de 1.3 milliards d’euros et la continuité dans notre investissement pour la transition écologique.
Voici la synthèse des annonces concernant l’agriculture de ce 1er février 2024 :
1 – Préserver notre souveraineté́ agricole et alimentaire :
– Inscription dans la loi de la souveraineté́ agricole et alimentaire ; définition d’indicateurs et d’objectifs dont il sera rendu compte au Parlement.
– Inscription dans la loi que l’agriculture est d’intérêt général, au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la Nation.
– Élaboration et déploiement de plans de souveraineté́ alimentaire pour chaque territoire ultra-marin.
2 – Mieux reconnaitre le métier d’agriculteur :
– Adoption rapide de la proposition de loi sur les troubles de voisinage ; le Gouvernement soutiendra un amendement relatif à l’évolution de l’activité́ de l’exploitation de l’activité́ agricole dans des conditions normales.
– S’agissant des retraites, le travail doit se poursuivre dans les prochaines semaines sur la question des 25 meilleures années.
3 – Redonner de la valeur à notre alimentation et du revenu aux agriculteurs :
Redonner de la valeur à notre alimentation
– Une alimentation saine et de qualité́ doit être payée au juste prix.
– Promotion du « manger français », en portant au niveau européen la généralisation de l’étiquetage des produits d’origine pour les produits agricoles et les ingrédients des produits alimentaires.
– Augmentation des contrôles sur le respect de l’origine des produits, avec de fortes sanctions.
Rémunération
– Respect des lois EGAlim pour soutenir le revenu :
Tenue du comité́ des négociations commerciales le 26 janvier ; doublement des contrôles avec 150 contrôleurs supplémentaires de la DGCCRF déployés sur les contrôles EGAlim et le respect des indications d’origine (francisation) ; 4 cas de sanctions ont d’ores et déjà̀ prononcés pour non-respect d’EGAlim ; Plusieurs centaines de contrats conclus seront contrôles (y compris les MDD) ;
Respect de l’achat de produits durables et de qualité́ par la restauration collective, la commande publique et la restauration hors domicile dans le cadre d’EGAlim.
– Lancement d’une mission parlementaire sur l’évaluation et l’évolution d’EGAlim, pour examiner notamment l’encadrement des centrales d’achat européennes, l’interdiction pour un industriel de négocier avec la grande et moyenne surface (GMS) avant d’avoir négocié́ avec les agriculteurs et l’intégration des références aux indicateurs des interprofessions et des instituts techniques.
– Nous porterons une extension de la loi EGALIM au niveau européen ainsi qu’une initiative pour organiser un réseau intégré́ de contrôle et de répression contre les fraudes.
– Abandon de la hausse du gazole non-routier agricole, avance de trésorerie sur le taux super-réduit des exploitations au 1er février (ouverture dès aujourd’hui du guichet pour demander le versement de l’avance) et passage au taux super réduit en « pied de facture » au 1er juillet.
– Amélioration des indemnisations sur des sujets climatiques et sanitaires : fonds d’urgence de 50 M€ sur MHE et passage à 90% de la prise en charge des frais vétérinaires et mortalités, fond d’urgence de 20 M€ sur Ciaran-Bretagne.
– Versement des aides de la PAC d’ici au 15 mars.
Compétitivité́
– Reconnaissance du secteur de la production agricole comme étant un secteur de « métiers en tension », notamment pour l’octroi de visas de travailleurs saisonniers.
– Pérennisation du dispositif TO-DE pour les travailleurs saisonniers et augmentation du plafond du dispositif de 1,2 à 1,25 SMIC.
– Lancement d’un chantier sur des mesures additionnelles pour améliorer la compétitivité́ des exploitations agricoles françaises.
4 – Protéger contre la concurrence déloyale :
– Régulation du commerce international : la France défend une véritable réciprocité́ des normes et des clauses miroirs effectives (sur les antibiotiques, sur la déforestation, etc.) :
À ce titre, la France s’oppose à l’accord avec le Mercosur :
Une clause de sauvegarde sera prise d’ici le salon de l’agriculture sur les produits agricoles contentant des résidus de thiaclopride (un néonicotinoïde interdit dans l’UE depuis 2020).
Nous porterons la création d’une force de contrôle sur la concurrence déloyale en agriculture aux frontières de l’Union européenne.
– Mise en place de clauses de sauvegarde dans le cadre commercial adopté en soutien à l’Ukraine. Ces clauses (frein d’urgence) concernent pour l’instant d’abord la volaille, les œufs, le sucre. Dans les négociations en cours, la France défend une évolution de l’année de référence et l’inclusion pleine et entière des céréales dans la clause de sauvegarde.
5 – Simplifier la vie quotidienne des agriculteurs et lutter contre la surtransposition :
Élevage
Renforcement du plan de souveraineté́ « élevage » d’ici au salon de l’agriculture.
Pérennisation et adaptation de la déduction fiscale s’appliquant à l’élevage bovin (annoncée lors du Sommet de l’élevage), en l’étendant à l’assiette des cotisations sociales et en incitant à la contractualisation ; la déduction n’aura pas à être réintégrée en cas de hausse du cheptel (en valeur ou en effectif).
Harmonisation des seuils d’évaluation environnementale avec les seuils européens (y compris les sous-produits comme la laine).
Affirmation que la viande de synthèse n’est pas notre modèle d’alimentation et demande d’une législation européenne claire à ce sujet.
Pour faire face à la maladie hémorragique épizootique (MHE) : fonds d’urgence de 50 M€, engagement à développer la vaccination et à en tirer les conséquences sur le règlement européen sur la circulation des animaux, mise à l’étude d’une banque d’antigènes.
La France portera également une évolution de la réglementation sur la conditionnalité́ relative aux prairies permanentes (ratio des prairies (BCAE1), prairies sensibles (BCAE 9)).
Un dernier groupe national loup sera réuni avant la publication du nouveau plan national loup et d’un nouvel arrêté́ encadrant les tirs.
Viticulture
Des mesures d’urgence à hauteur de 80 M€ en 2024.
Des mesures structurelles (arrachage temporaire) à hauteur de 150 M€ sur deux ans pour 2024 et 2025 . 50 M€ supplémentaires pour l’agriculture biologique, selon des modalités concertées avec les exploitants, en sus des montants déjà̀ prévus pour l’agriculture biologique.
Extension en 2024 d’une dérogation permettant de mettre en culture les terres en jachère.
Soutien de la France à l’adoption rapide du règlement sur les nouvelles techniques génomiques (NGT), concourant à la transition écologique.
Phytosanitaires
Formalisation du principe : « Pas d’interdiction sans solution ».
Le plan Ecophyto est mis à l’arrêt le temps de rediscuter les indicateurs, les zonages et les mesures de simplification, par exemple sur le registre numérique, dans un objectif de non- surtransposition, et de préservation de notre environnement et de la santé de nos concitoyens. Ce travail devra aboutir d’ici au salon de l’agriculture. Un conseil d’orientation stratégique sera organisé́ par les ministres dès la semaine prochaine pour faire avancer les travaux.
Suppression du conseil stratégique dans sa forme actuelle et engagement à travailler à un conseil réformé, simple et sans surcharge administrative.
Réalignement du calendrier de l’ANSES et de l’autorité́ européenne de sûreté́ des aliments (EFSA) sur l’autorisation des produits phytosanitaires ; Nous serons vigilants à ce que l’ANSES continue d’intégrer les dernières connaissances scientifiques et techniques dans les conditions d’utilisation des produits.
S’agissant des zones de non traitement (ZNT), le Gouvernement fera appel des décisions de justice sur les chartes départementales.
Simplifications
Lancement d’un mois de la simplification, dans tous les départements, qui vise, en partant de l’expérience de l’usager ou du demandeur d’aide, à interroger la pertinence des normes et sa proportionnalité́ et à l’issue de compléter, pour les dispositions législatives, le projet de loi agricole.
Plusieurs chantiers sont d’ores et déjà̀ identifiés :
– Simplification des curages des cours d’eau agricole (réglementaire). Le décret a été́ publié au Journal Officiel du 1er février ;
– Mettre fin au régime d’exception sur les délais de recours contre les projets agricoles : délais de droit commun (2 mois) pour former un recours contre les ICPE agricole et IOTA (contre 4 mois aujourd’hui) ;
– Réduction des délais de contentieux des projets relatifs à la gestion de l’eau par la suppression d’un niveau de juridiction (réglementaire) et par l’application de la « présomption d’urgence » qui permet de réduire les délais à 10 mois (législatif) ;
– Planifier les investissements hydrauliques et les financements nécessaires dans chaque bassin pour adapter l’agriculture au changement climatique, et en particulier les retenues. Pour cela réviser les textes réglementaires si nécessaire (arrêté 2021) ;
– Ouverture d’un chantier sur les zones humides ;
– Simplifier les normes sur les bâtiments agricoles : mesure de dérogation aux obligations de mise aux normes d’accessibilité́ pour tous les bâtiments agricoles (mesure réglementaire). Le décret vient d’être mis en consultation ;
– Mettre fin aux incohérences et injonctions contradictoires : par exemple sur les obligations légales de débroussaillement (OLD) : obligation de débroussaillement pour prévenir les incendies mais risque d’amende en cas de débroussaillement pour destruction d’habitat ;
– Unifier le régime applicable aux haies : de plusieurs corpus réglementaires à 1 réglementation unique ;
– Mettre fin à la démultiplication des contrôles sur une même exploitation : pas plus d’un passage annuel sur l’exploitation dans le cadre des contrôles administratifs, hors contrôles judiciaires ;
– Lancer immédiatement une révision des procédures de contrôles et des échelles des peines, de manière à éviter les procédures infamantes et avoir des sanctions davantage proportionnées et progressives (plusieurs mesures législatives et réglementaires) ;
– Lancer un chantier sur la simplification de la fiscalité́ agricole, par exemple pour la mise en place d’un dégrèvement automatique de la taxe foncière sur les propriétés non-bâties (TFNB) pour les JA ;
– Lancer un chantier sur la simplification du droit du travail, par exemple une plus grande automaticité́ des dérogations à la durée légale du travail pendant les périodes de moissons, une sécurisation des entreprises « donneuses d’ordre », la désignation de salariés compétents en matière de santé-sécurité́ au travail ;
– Lancer un chantier sur les dégâts de gibier et les espèces susceptibles d’occasionner des dégâts (ESOD), en auditionnant toutes les parties ;
– Lancer un chantier sur la clarification de l’articulation des différents zonages environnementaux ;
– S’agissant de l’OFB dont les agents sont placés auprès du préfet, lancer un chantier visant à améliorer le déroulé́ des contrôles et leur perception ; une convention sur le modèle de celle existante avec la gendarmerie nationale sera recherchée ;
– Lancer un chantier sur la meilleure protection du foncier agricole dans la politique de l’urbanisme, incluant la question des compensations.
6 – Assurer le renouvellement des générations en agriculture
– Affirmation dans la loi de l’importance de l’enjeu du renouvellement des générations.
– Inscription dans la loi de mesures ambitieuses pour favoriser la transmission des exploitations aux jeunes : 3 mesures de rehaussement de seuils d’exonérations d’ores et déjà̀ arrêtées lorsqu’il y a transmission pour une installation (exonération de plus-value de transmission d’entreprise individuelle, droits de succession et donation en cas de transmission de biens ruraux donnés à bail à long terme et de parts de groupement fonciers agricoles, régime de plus-value en cas de retraite) et travail approfondi sur une mesure supplémentaire de crédit d’impôt.
– Mobilisation de prêts garantis par la puissance publique pour les nouveaux installés (2 milliards) ;
– Cumul de l’exonération de cotisations sociales JA avec les taux réduits d’AMEXA et PFA, pour qu’ils ne soient pas pénalisés par rapport à la règle de droit commun.
– Augmentation de 13 à 20 M€ du budget d’accompagnement de l’installation transmission à l’agriculture (AITA), dans le cadre du futur guichet France service agriculture.
La loi de Souveraineté agricole et alimentaire sera présentée avant le salon de l’agriculture, pour un vote souhaité au 1er semestre 2024.
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